Friday, February 10, 2012

Disparition de Pascal Häusermann



“Architecte suisse, Pascal Häusermann, né en 1936, nous a quittés le 1er novembre 2011, à Madras, en Inde. Il ne pensait qu’à la liberté de l’homme, sous toutes ses formes. Il avait une confiance totale en lui. Il voulait que chacun habite un logement individuel et surtout qu’il soit le moins cher possible. Un jour, je lui demande : si je vous commande une belle maison et que j’ai énormément d’argent, vous me faites quoi ? Il me répond : rien, absolument rien de plus que si vous n’avez pas d’argent.



Pour lui, la maison devait ressembler à une voiture : industrialisée mais avec plusieurs modèles, mobile et modulable, un objet de consommation courante et surtout pas un investissement pérenne. J’ai toujours été fasciné par cette idée totalement à contre-courant. Je lui disais : mais l’homme veut tout le contraire de cette idée. Il cherche à s’enraciner et investir ! Imperturbable, il me rappelait que l’homme est formaté par la société pour perdre sa liberté et que lui, en tant qu’architecte, devait lui offrir la possibilité de choisir et s’échapper de ces contraintes. Il avait des idées révolutionnaires. Comme faire des habitations en plastique, pour pouvoir les démonter, les mettre sur un camion et les remonter plus loin. Ou encore les faire en voiles de béton, soi-même, ou en plastique. Et puis ses maisons étaient rondes, puisqu’il fallait trouver la forme la plus économique. Il n’aimait pas les transports en commun, pour lui ça ressemblait trop aux logements collectifs. Individualiste forcené, il voulait que la collectivité existe grâce aux règles inventées par les habitants et non pas celles qu’on leur impose.



Un jour, il me raconte qu’en Inde, des habitants relogés dans de petits immeubles confortables suite à la destruction de leur bidonville, en récréaient un nouveau, juste à côté de leur nouvel habitat qu’ils sous-louaient. La municipalité l’appelait à la rescousse parce qu’elle prenait conscience que ces gens avaient l’habitude de vivre en organisant leur propre urbanisme, et parce qu’Haüsermann, lui, pouvait proposer un compromis modulable et propre à une population qui ne connaissait pas la vie dans le logement collectif. Finalement cela n’a pas marché. Je ne sais pas pourquoi. Mais le désordre apparent de l’Inde lui convenait très bien, lui l’architecte suisse qui ne croyait pas à la poétique de l’angle droit…”

Text par Julien Donada

Source: http://avivreleblog.wordpress.com,le 5 janvier 2012.

Pour en savoir plus

- « Bulles Cosmiques », Architectures à vivre n°55, pp.116 – 127, consacré à la maison ardéchoise en voile de béton de Pascal et Claude Häusermann.
- Julien Donada, La bulle et l’architecte, TS Productions / Voi Sénart, 2003, DVD.
- Julien Donada, Bulles, conversation avec Pascal Häusermann, Bruxelles, éditions du facteur humain, 2010.